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Crypto-monnaie : château de cartes ou château de sable ?

Une étude récente évaluant les risques que présentent les crypto-actifs pour la stabilité financière, réalisée par le Conseil de stabilité financière (CSF), un organisme international chargé de la surveillance du système financier mondial, a constaté que les marchés des crypto-actifs « évoluent rapidement et pourraient atteindre un point où ils représentent une menace pour la stabilité financière mondiale ».

Dans un discours prononcé à New York le 25 Avril 2021, un membre du Conseil d’administration de la Banque centrale européenne (BCE), Fabio Panetta, a critiqué la crypto-finance pour son manque de transparence ainsi que pour les risques qu’elle représente pour la stabilité financière, décrivant les crypto-actifs comme des « actifs spéculatifs qui peuvent causer des dommages importants à la société » et appelant à une réglementation plus rapide et plus stricte.

Dans la foulée, une déclaration de Sam Bankman-Fried, un crypto-milliardaire et fondateur de la bourse de crypto-monnaies FTX, a fait sensation car il semblait admettre qu’une grande partie de la crypto-finance reposait essentiellement sur un système de pyramide de Ponzi (Ponzi schème). Selon le Dictionnaire d’Oxford, il s’agit « d’une forme de fraude dans laquelle la croyance dans le succès d’une entreprise inexistante est favorisée par le paiement de rendements rapides aux premiers investisseurs à partir de l’argent investi par les investisseurs ultérieurs » ; Cette pratique porte le nom de Charles Ponzi, qui est le premier à avoir commis une telle fraude dans les années 1900.

Au plus fort de la spéculation relevée par Fabio Panetta, l’année 2022 a commencé par une chute libre des principales crypto-monnaies, dont Bitcoin et Ethereum. À ce moment, cela n’était considéré que comme une partie du flux et du reflux des spéculations financières. Mais il a été très vite suivi par le crash du principal Stablecoin TerraUSD, pourtant censés être conçus pour protéger les investisseurs de la forte volatilité des crypto-monnaies. Lorsque Terra-Luna s’est effondrée en mai, un château de cartes a commencé à tomber.

L’effet d’entraînement s’est poursuivi avec l’effondrement de sociétés de prêt crypto telles que Celsius et BlockFi, la faillite du fonds spéculatif crypto Three Arrow Capital et le flambage du courtier crypto Voyager. Ensuite, nous avons l’explosion de la FinTech causée par FTX, une plateforme d’échange de crypto-monnaie en faillite. Et maintenant, il semble que FTX soit rapidement suivi par Genesis, une autre société de prêt de crypto-monnaie.

S’il y avait une faille avec les crypto-monnaies, elle n’est pas technologique mais existentielle. En effet, l’image tumultueuse entourant les crypto-monnaies cette année a été alarmante et donne à réfléchir. Surtout que le fondateur de FTX, Sam Bankman-Fried, a été arrêté aux Bahamas à la demande des États-Unis. Avec des acteurs entiers de la crypto-monnaie qui s’effondrent à une vitesse aussi vertigineuse, il est difficile de comprendre comment cette réaction en chaîne s’est produite, laissant un voile sur l’avenir des crypto-monnaies.

Ces événements n’ont fait qu’amplifier le débat entre les partisans de la crypto et les sceptiques de la crypto. Les gens se demandent si c’est la fin de la crypto-monnaie et du Bitcoin. Mais il convient également de se demander si la débâcle en cours indique une faille majeure dans les crypto-monnaies ou dans son écosystème en plein essor. Car pour supprimer entièrement la cryptographie, il faudrait tuer les couches sous-jacentes de la blockchain.

Ce qui se passe en ce moment, l’éviction des plateformes crypto devenues fragiles, des structures de la blockchain qui ont des fondations en Bitcoin et Ethereum, notamment Terra-Luna, Celsius, FTX et Genesis. Cependant, ces fondations ont des bases et des cas d’utilisation tels que l’utilisation de contrats intelligents et la finance décentralisée. Par conséquent, même si l’idée que tout le château de cartes puisse s’effondrer n’est pas réalisable, la croyance dans les crypto-monnaies a néanmoins pris un sérieux un coup.

C’est le cas notamment au Cameroun, où la plateforme Liyeplimal appartenant à Emile Parfait Simb, le PDG de Global Investment Trading (GIT) a récemment vu ses fonds gelés dans les institutions financières partenaires, suites aux mises en garde formulées par la Commission de Surveillance du Marché Financier de l’Afrique Centrale (COSUMAF) et la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC), au motif que la structure de crypto ne dispose pas d’un agrément de Crypto-monnaie, un document qui n’existe pas au Cameroun. Selon la COSUMAF, l’exercice de des activités de crypto-actifs ne fait pas l’objet d’encadrement réglementaire dans la sous-région. Par conséquent, aucun prestataire d’actifs numérique ne peut y proposer de tels services. Coincé, le CEO de Liyeplimal lance « Liyeplimal 2.0 », c’est-à-dire la tokénisation des Limo qui deviennent Limocoin, Crypto-monnaie à part entière côtée en bourse comme le Bitcoin, le Ripple, l’Ethereum ou encore l’USDT.

Face à cette persistance, la Banque des Etats d’Afrique Centrale (BEAC) envisage une sérieuse option en guise d’alternative aux crypto-monnaies utilisées dans la sous-région, à l’instar de Limocoin, Simbcoin ou encore plus classiquement le Bitcoin, avec son concept de « Monnaie Numérique de Banque Centrale (MNBC) ». Selon la BEAC, la MNBC est une forme numérique de la monnaie fiduciaire émise, contrôlée et réglementée par une Banque Centrale d’un pays ou d’une zone monétaire et disponible pour tous les ménages et entreprises qui ont ainsi accès à la monnaie électronique directement émise par la banque centrale. Ainsi, la MNBC peut être transférée ou échangée à l’aide de technologies telles que la blockchain qui permet le stockage des enregistrements de transactions sur un réseau d’ordinateurs. Il s’agit là de la dernière innovation en matière financière applaudie par certains, mais accueillie avec méfiance par les communautés d’utilisateurs des crypto-monnaies.

Seulement, cette option pourrait, elle aussi, s’avérer limitée, vu que la Monnaie Numérique ne découle pas de la même construction idéologique que les Crypto-monnaies et qu’elle ne pourra jamais être un outil efficace de spéculation. Au demeurant, si elle ne réussit pas à aplanir les contraintes qui lui sont intrinsèques, son issue de secours (au risque de devenir des ovnis dans l’univers des crypto-actifs) tiendrait par exemple au fait que les crypto-monnaies privées leur trouvent une utilité comme celle de collatéral des opérations de Finance Décentralisée (DeFi) ou des stablecoins.

A propos de Thierry Mbimi

Thierry MBIMI est CEO & Managing Partner à KPMG Afrique Centrale. Il occupe aussi la fonction de leader de de l'industrie des services financiers pour KPMG en Afrique francophone subsaharienne. Il préside la commission de Gouvernance, Ethique et RSE (GE-RSE) du Groupement Inter-patronal du Cameroun (GICAM) et est agréé expert judiciaire à la cours d’appel du Littoral en tant que : Administrateur Provisoire – Syndic Liquidateur – Séquestre. Il intervient également à l'Université Catholique d'Afrique Centrale (UCAC) et à l'Institut Universitaire du Golfe de Guinée (IUG) comme Enseignant Invité en "Investment Management", "International Financial Management", "Business Ethics & Management Behaviour", "Blockchain & Cryptocurrency" et "Bank Risk Management". Basé à Douala (Cameroun) depuis 5 ans, il a séjourné avant, pendant 4 ans au Nigeria, 11 ans en Australie, et 12 ans en France. Il est né au Cameroun, où il a grandi. Au cours de sa carrière, il a visité/travaillé dans plus de 135 villes dans plus de 40 pays, et séjourné sur les 5 continents.

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