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MNBC et Crypto-monnaie : la croyance ou plutôt la conviction

Dans une économie mondiale en pleine évolution et essentiellement tourné vers le numérique, le débat autour de la fiabilité de la Crypto-monnaie dans bon nombre d’économies reste pour l’heure sans réponse concrètes. Tandis que certains Etats y voient un moyen de stabilité monétaire, d’autres par contre restent convaincu que la Crypto-monnaie représente un réel danger pour l’avenir leur économie. Ces derniers se sont engagés dans des chantiers de digitalisation de la monnaie, en créant les Monnaies Numériques de Banques Centrales (MNBC).

La Monnaie Numérique de Banque Centrale (MNBC) est devenue un sujet prédominant dans l’environnement crypto. Dernièrement, on a vu le Parlement britannique se positionner favorablement sur une livre sterling numérique, ou encore le Brésil faire un grand pas vers un réal numérique. En Afrique, le Nigeria fait partie des pays les plus avancés. Le gouvernement a adopté en 2021 l’« e-Naira », la monnaie numérique nationale, afin de reprendre le contrôle sur la masse monétaire, dans un pays où les populations ont un intérêt poussé pour la Crypto-monnaie. Dans la zone CEMAC, la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) envisage elle aussi l’adoption de la MNBC en guise d’alternative aux crypto-monnaies utilisées dans la sous-région. Pour des raisons propres à chaque nation ou zone monétaire, les MNBC pourraient devenir un outil financier incontournable.

MNBC et des crypto-monnaie : concurrents ou complémentaires ?

Pour mieux répondre à cette question, il serait peut-être nécessaire de la poser autrement : à qui faites-vous le plus confiance ?

D’une part, la confiance dans les MNBC réside dans le fait que celles-ci sont contrôlées et soutenues par les gouvernements, ce qui leur confère une certaine sécurité. Ce qui laisse les utilisateurs penser qu’avec les MNBC, si le système tombe en panne, le gouvernement les soutiendra. Et d’autre part, les Crypto-monnaies étant une monnaie partagée et beaucoup plus ouverte, confère une certaine assurance aux détenteurs, qui restent convaincus qu’avec les crypto-monnaies, si le système tombe en panne, le réseau les soutiendra.

Pour s’imposer dans une économie mondiale entièrement dominée par les Crypto-monnaies, les MNBC doivent pouvoir réunir les conditions suivantes :

  • L’Intégrité: La MNBC doit être « sûre, pour tous, à un coût nul ou ultra bas ». Alors que des économies entières passent au numérique et que les liquidités diminuent, les politiques monétaires doivent s’ancrer dans la technologie numérique ;
  • La Résilience : Il n’est pas sain de compter sur des sources étrangères uniques pour les infrastructures essentielles (par exemple, les crises pétrolière et alimentaire qui affectent le continent africain depuis le début du conflit russo-ukrainien). Les banques centrales africaines doivent développer une forme de monnaie numérique basée sur une « infrastructure critique numériquement résiliente », car la plupart des solutions de paiement numériques ne sont pas africaines ;
  • L’Intégration : La MNBC doit être universellement accessible à tous, n’importe où, n’importe quand, sans avoir besoin d’un compte bancaire ;
  • La Sécurité : Signifie une conception dédiée de la MNBC, puisque de nouveaux risques émergent sur les infrastructures numériques ;
  • La Confidentialité : La MNBC doit être aussi proche que possible de l’argent liquide en termes de neutralité complète sur les données, c’est-à-dire une MNBC comme Cash+ portant des caractéristiques fondamentales similaires d’anonymat.

Cependant, aucune MNBC ne peut être vraiment aussi privée que de l’argent liquide, car elle ne peut pas être 100% anonyme. L’argent liquide sera et doit toujours être disponible pour les utilisateurs.

Les défenseurs de la MNBC – qui sont aussi les détracteurs de la Crypto-monnaie – pensent que la croyance est dans une pièce de monnaie soutenue par le gouvernement, et non pas seulement dans une pièce inventée par des individus. Le fait est que la Crypto-monnaie est une monnaie créée par le peuple, pour le peuple, et non par le gouvernement, pour le gouvernement. Ce qui lui confère une garantie non négligeable d’intégrité, de confidentialité, d’intégration et de sécurité pour ses utilisateurs.

La seule sauvegarde qu’une monnaie en perte de vitesse peut avoir sur la Crypto-monnaie, c’est la croyance du peuple. Or, si plus de gens croient davantage à la Crypto-monnaie, qu’aux monnaies nationales ou communautaires, la MNBC aura bien du mal à s’imposer. Fait intéressant, pour la plupart de ces pays dans le monde où les monnaies gouvernementales ont été déstabilisées, notamment le Venezuela, le Zimbabwe ou plus proche de nous, le Nigeria, l’alternative la plus sollicitée, c’est la Crypto-monnaie.

L’augmentation massive que connaît le cours du Bitcoin (Crypto-monnaie) au Nigeria ces derniers mois s’explique donc par le rejet massif de la population du Naira suite aux limitations de retraits venant d’entrer en vigueur et donc, par extension, de l’« e-Naira » (Monnaie Numérique de Banque Centrale) qui était pourtant la transition souhaitée par le gouvernement. Actuellement, les Nigérians souhaitent se séparer de leurs Nairas, quitte à surpayer du Bitcoin sur des places d’échanges locales proposant un cours plus élevé que les autres exchanges mondiaux. En effet, il est tout de même plus rentable pour la population locale d’acquérir du Bitcoin aux taux des places d’échanges locales plutôt que d’échanger ses nairas contre des dollars afin d’avoir accès aux exchanges mondiaux, la faute à des taux de change hors de contrôle.

Ainsi, le Nigeria fait office de laboratoire à ciel ouvert quant à l’expérimentation des MNBC. Bien que le pays dispose d’une conjoncture économique lui étant propre, l’implantation de l’« e-Naira » semble être un véritable échec, bientôt un an et demi après sa mise en circulation. Cet échec pousse massivement la population à adopter les crypto-monnaies, allant totalement à l’encontre de la volonté initiale du gouvernement. Le Nigeria étant la plus importante puissance économique africaine, l’impact d’une telle émancipation de la part de la population pourrait faire écho sur le continent, d’autant plus que d’autres pays comme l’Afrique du Sud, le Zimbabwe, le Kenya et le Ghana ont eux aussi adopté le Bitcoin. Cependant, d’autres crypto-monnaies avec des taux d’adoption élevés en Afrique sont aussi utilisées, notamment Ethereum, Lisk et Dash. Le Zimbabwe, l’Afrique du Sud, le Kenya et le Nigéria font partie des pays où ces devises sont largement utilisées.

Les crypto-monnaies sont progressivement découvertes en Afrique. La Tunisie, la Sierra Leone, le Sénégal, l’Afrique du Sud, la République centrale d’Afrique, le Nigéria et le Maroc sont les pays qui ont montré un intérêt de plus en plus croissant sur le devant des crypto-monnaies. Dans des pays comme l’Afrique du Sud, le Ghana, le Kenya, le Botswana, le Zimbabwe et le Nigéria, il y a un semblant de monnaies numériques qui prennent des racines.

En Afrique Centrale, la République Centrafricaine – un des pays les plus pauvres du monde mais riche en diamants, or et uranium – fait office de pionnière dans l’adoption d’une monnaie numérique qui devrait encore être soumise à une réglementation officielle. Le pays a récemment lancé sa propre crypto-monnaie baptisée « Sango », et ambitionne de construire le « premier crypto-hub africain » avec « zéro taxation ». Pour concrétiser cela, le gouvernement a approuvé, en Avril 2022, le Bitcoin en tant qu’appel d’offres légal. Ce qui pourrait inscrire la RCA sur la carte des pays les plus audacieux et les plus visionnaires du monde.

L’échec de la mise en place de MNBC sur le continent africain pourrait alors remettre en cause les MNBC telles que l’« e-Yuan » chinois, ainsi que l’« euro numérique européen », pressenti pour 2026.

 

 

 

A propos de Thierry Mbimi

Thierry MBIMI est CEO & Managing Partner à KPMG Afrique Centrale. Il occupe aussi la fonction de leader de de l'industrie des services financiers pour KPMG en Afrique francophone subsaharienne. Il préside la commission de Gouvernance, Ethique et RSE (GE-RSE) du Groupement Inter-patronal du Cameroun (GICAM) et est agréé expert judiciaire à la cours d’appel du Littoral en tant que : Administrateur Provisoire – Syndic Liquidateur – Séquestre. Il intervient également à l'Université Catholique d'Afrique Centrale (UCAC) et à l'Institut Universitaire du Golfe de Guinée (IUG) comme Enseignant Invité en "Investment Management", "International Financial Management", "Business Ethics & Management Behaviour", "Blockchain & Cryptocurrency" et "Bank Risk Management". Basé à Douala (Cameroun) depuis 5 ans, il a séjourné avant, pendant 4 ans au Nigeria, 11 ans en Australie, et 12 ans en France. Il est né au Cameroun, où il a grandi. Au cours de sa carrière, il a visité/travaillé dans plus de 135 villes dans plus de 40 pays, et séjourné sur les 5 continents.

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