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La Silicon Valley Bank entraînera-t-elle la chute de l’industrie FinTech ?

L’effondrement du marché de la Crypto-monnaie en 2022 a suscité des inquiétudes quant à la possibilité que les turbulences dans ce secteur ne s’étendent au secteur financier traditionnel. Aujourd’hui, à la suite de la série de faillites des banques américaines, voilà que le risque systémique se propage également dans le sens opposé. En raison de leur dépendance aux banques traditionnelles, plusieurs des principaux émetteurs de stablecoins sont actuellement confrontés à des risques énormes, du fait de la faillite récente ou de la liquidation imminente des banques dans lesquelles ils ont des comptes ou détiennent des dépôts.

Parmi les banques les plus affectées par cette crise, figure la Silicon Valley Bank (SVB), l’une des plus importantes banques américaines – seizième plus grande banque d’Amérique et élue l’une des meilleures pour la cinquième année sur la liste Forbes Financial All Stars – dont l’effondrement en mars dernier a fait couler beaucoup d’encre et de salive au sein de la presse internationale. Cette faillite de la Silicon Valley Bank (SVB) a entrainé une perte de plusieurs dizaines de milliards de dollars. L’action de l’établissement s’effondrait de 80% dans un cercle vicieux sur fond de « bank run » faisant d’elle la plus grosse faillite d’établissement bancaire au monde, et la première depuis la crise des « subprimes » en 2007.

C’est un échec spectaculaire de la gestion de la banque. Comme le souligne Mayra Rodriguez Valladares dans sa chronique sur Forbes, c’est en fait le PDG de SVB, Greg Becker, son équipe et le Conseil d’administration de la banque qui en sont responsables. Lorsque le Founders Fund de Peter Thiel a déclaré que les investisseurs devraient se retirer de SVB, cela est devenu viral et a conduit à un effondrement massif. En quelques heures à peine, la banque est passée de héros à zéro et a été fermée par les régulateurs.

Que s’est-il réellement passé ?

Pour une raison qu’eux-seuls peuvent expliquer, les dirigeants de la SVB ont décidé, il y a quelques années, de prendre un afflux massif de dépôts et de les investir dans des titres à long terme, sans envisager une possibilité d’annulation de dépôt, pourtant les politiques bancaires y afférant indiquent de conserver des liquidités. Ainsi, la banque a connu une augmentation massive des dépôts, passant de 61,76 milliards de dollars fin 2019 à 189,2 milliards de dollars fin 2021. Puis, s’en est suivi un renversement inattendu, lorsque les dépôts sont passés de 198 milliards de dollars en 2022 à 165 milliards de dollars fin février 2023, laissant un trou béant.

En effet, à mesure que les dépôts augmentaient, la SVB a acheté 80 milliards de dollars de titres – 97% de ces titres avaient une durée de dix ans ou plus – adossés à des créances hypothécaires et cet argent a été immobilisé dans ce qu’on appelle la détention jusqu’à l’échéance. Cet investissement massif dans les titres d’emprunt, consécutif à une augmentation massive des dépôts, qui a fait chuter la valeur des titres hypothécaires de la SVB à travers le plancher, combiné à une ruée sur la banque où les investisseurs ont commencé à réclamer leur argent, a poussé la Réserve Fédérale à agir. Puis, les actions de SVB ont chuté de 60% et la banque a été fermée par les régulateurs. Les investisseurs avaient retiré 42 milliards de dollars d’actifs en quelques heures seulement, soit un cinquième de ses actifs, et la banque s’effondrait.

Nul doute que la SVB a fait face à une panique bancaire parce que ses principaux partisans, tels que le Fonds des fondateurs de Peter Thiel et d’autres sociétés de capital-risque de premier plan, avaient conseillé aux entreprises de leur portefeuille de retirer leur argent ; il s’agit essentiellement d’un retrait radical du soutien des investisseurs sur le réseau. Ce conseil a ensuite été amplifié par les médias sociaux, afin que chacun fasse une course en temps réel sur la banque.

Quel avenir pour les startups FinTech ?

La Silicon Valley Bank (SVB) était réputée pour être la « banque des startups » et s’autoproclamait « partenaire financier de l’économie de l’innovation ». Une grosse partie de ses fonds provenait d’entreprises innovantes et en pleine phase d’accélération, principalement les startups de la FinTech et de la technologie en général, parmi lesquelles Circle, responsable du stablecoin de Coinbase (USDC), mais aussi Roblox. Ses clients étaient principalement installés dans la Silicon Valley et à Boston aux États-Unis, lieux d’implantation de la banque.

Avec la faillite de la SVB, tous les acteurs de la FinTech sont sur le qui-vive. Ces startups qui n’ont pas retiré de fonds avant la fermeture de la banque, ou qui n’avaient pas d’argent sur plusieurs autres comptes, pourraient connaître des semaines plutôt très mouvementées. Pour bon nombre d’entre elles, qui pendant des décennies se sont fortement appuyées sur la banque basée à Santa Clara, en Californie, cela a déclenché une crise qui pourrait entraîner des licenciements massifs ou l’effondrement de centaines de startups, selon des experts de l’industrie.

C’est pourquoi la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) – agence indépendante du gouvernement des Etats-Unis dont la principale responsabilité est de garantir les dépôts bancaires faits aux Etats-Unis jusqu’à 250 000 dollars – et la Réserve fédérale envisagent de créer un fonds spécial pour parer aux faillites bancaires alors que plusieurs autres petites banques américaines subissaient des pressions. Et Bloomberg rapporte que le gestionnaire d’actifs mondial et prêteur technologique Liquidity Group prévoit d’offrir environ 3 milliards de dollars de prêts d’urgence aux startups touchées par l’effondrement de la Silicon Valley Bank.

Est-ce un caillou dans la chaussure de la FinTech et de la Crypto-monnaie ?

A priori, oui ! Puisque dans un contexte aussi délétère, les plus touchées sont généralement les startups. Et pour le cas précis, les startups FinTech auront véritablement du mal à se remettre, elles qui s’appuient énormément sur l’activité des banques traditionnelles.

Nikita Maslennikov, économiste russe de premier plan estime que le sort des Crypto-monnaies dépendra des banques centrales, quoique ces dernières ne fassent pas actuellement de la réglementation du secteur leur priorité. Quelles que soient les actions prises par les banques centrales, l’industrie FinTech ne serait pas totalement anéantie. Car, même si l’avenir de la Crypto-monnaie s’avère « incertain », l’appétit des gens pour « le risque et la spéculation » assurerait sa survie d’une certaine façon.

Vent de panique sur les start-up africaines

L’effondrement de la Silicon Valley Bank (SVB), la banque de choix de la plupart des startups et des capital-risqueurs, a déclenché un vent de panique sur tout le système bancaire en Amérique et en Europe. Une situation qui s’est très vite étendue sur le continent africain, non pas sans raison.

Plusieurs startups africaines avaient des fonds dans les caisses de la SVB car la banque était un prêteur de référence pour les startups sollicitant en contrepartie qu’elles aient des dépôts à la banque en garantie. La banque a offert des prêts contre des actions pour les fondateurs et des prêts de trésorerie.  Selon le site Web de SVB, Chipper Cash, l’une des startups les plus précieuses d’Afrique, était l’un de ses clients. La startup a récemment fait la une des journaux pour avoir procédé à une nouvelle série de licenciements, après avoir licencié 12,5% de ses employés l’année dernière.

La presse ouest-africaine évoque également le cas de Wave, soutenu financièrement par la SVB, même si rien ne démontre que les effets pourraient être aussi étendus qu’on le craint.

 

A propos de Thierry Mbimi

Thierry MBIMI est CEO & Managing Partner à KPMG Afrique Centrale. Il occupe aussi la fonction de leader de de l'industrie des services financiers pour KPMG en Afrique francophone subsaharienne. Il préside la commission de Gouvernance, Ethique et RSE (GE-RSE) du Groupement Inter-patronal du Cameroun (GICAM) et est agréé expert judiciaire à la cours d’appel du Littoral en tant que : Administrateur Provisoire – Syndic Liquidateur – Séquestre. Il intervient également à l'Université Catholique d'Afrique Centrale (UCAC) et à l'Institut Universitaire du Golfe de Guinée (IUG) comme Enseignant Invité en "Investment Management", "International Financial Management", "Business Ethics & Management Behaviour", "Blockchain & Cryptocurrency" et "Bank Risk Management". Basé à Douala (Cameroun) depuis 5 ans, il a séjourné avant, pendant 4 ans au Nigeria, 11 ans en Australie, et 12 ans en France. Il est né au Cameroun, où il a grandi. Au cours de sa carrière, il a visité/travaillé dans plus de 135 villes dans plus de 40 pays, et séjourné sur les 5 continents.

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